Présentation :
Anna Estcourt, vingt-cinq ans, emménage dans une petite propriété du Nord de l’Allemagne dont elle hérite à la mort de son oncle. Jolie, intelligente mais sans fortune, elle a grandi jusque-là avec son frère, sous la coupe de la femme de celui-ci, Susie.
Désormais en possession d’un revenu confortable, elle contrevient aux convenances de l’époque en ne se mariant pas, afin de conserver son indépendance. Mieux, elle propose généreusement un toit aux dames en détresse de sa nouvelle contrée, afin que celles-ci puissent faire de même – altruisme dont elle ne tardera pas à peser les inconvénients…
D’autant qu’Axel von Lohm, un gentleman de la région que son oncle espérait lui voir épouser, est tombé amoureux d’elle. Il va tenter de la faire changer d’avis…
Ce que j’en dis :
À dix-huit ans, Anna Estcourt semblait promise au plus bel avenir. Élevée par un frère qu’elle adore depuis la mort de leurs parents, sir Peter, elle est introduite en société par sa belle-sœur Susie, qui ne ménage pas ses efforts pour en faire une femme accomplie et susciter les propositions de beaux partis londoniens. Mais Anna, pourtant charmante de visage et de manières, repousse toutes les offres qui lui sont faites. Et là voilà désormais âgée de vingt-cinq ans, déjà lasse des bals et des réceptions et du caractère vain d’une vie qui lui semble inutile. Mais une chose imprévue se produit : son oncle lui lègue à sa mort (et malgré ses trois fils) un domaine, des terres, un revenu, dans une région reculée d’Allemagne : Anna, folle de joie, décide d’y aller, puis une fois sur place, décide de s’y installer. Renonçant définitivement à se marier, elle imagine faire de sa maison un refuge pour des femmes de condition que la pauvreté aurait réduite à un sort misérable. Elle n’a qu’une idée en tête : rendre ces femmes heureuses autant qu’elle-même est heureuse, établir une communauté de sœurs qui s’aiment et se soutiennent. Mais rien ne va se passer comme Anna le souhaiterait… La difficulté de trouver ces femmes, puis de vivre avec elles, l’inexpérience d’Anna dans la gestion de son domaine qui lui met à dos ses gens, sa difficulté à communiquer en allemand, et surtout le voisinage du bel Axel von Lohm qui remet sans cesse en question ses projets font de ce chemin de roses un sentier sinueux et bordé d’épines. Anna n’a pour aller de l’avant que sa volonté farouche de rendre les autres heureux. Illusoire projet ?
La galerie de personnages que nous offre l’auteur autour de son héroïne est un pur délice : sir Peter, gentleman »philosophe » – entendez par là : qui ne s’intéresse à rien –, sa femme Susie, dévorée par l’envie de réussir en société en dépit de ses modestes origines, Letty, leur fille, adolescente un peu boulotte dont la tête est remplie de bêtises romantiques que lui raconte sa gouvernante, Miss Leech, le pasteur, trop heureux de pouvoir conseiller Anna dans ses desseins, mais aussi et surtout les trois dames invitées par Anna, deux vieilles pies et une jeune fainéante, ainsi qu’Axel von Lohm, dont les discussions avec Anna finissent en bouderies et incompréhensions. On a pendant toute la lecture le sourire aux lèvres.
Avec ce roman, j’ai eu l’impression de trouver un chaînon manquant : celui qui relie Jane Austen à Vita Sackville-West dans l’histoire littéraire anglaise. En plein règne victorien, Elizabeth von Arnim se sert de l’ironie pour éclairer la condition féminine, en profond questionnement. Il n’existe alors que deux voies pour une femme : le mariage (sécurité, moyens, famille, etc.) ou le célibat (solitude, difficultés financières, mise à l’écart de la société, etc.). L’héroïne prend dès le départ le parti de ne pas se marier, s’opposant ainsi aux conseils de son oncle. C’est pourtant grâce à lui qu’elle reçoit de quoi vivre autrement, seule et sans mari. Mais c’est aussi la réalisation de ce projet un peu fou de « demeure pour les âmes blessées » qui la met face à d’autres caractères de femmes qu’elle découvre bien plus mesquins qu’elle ne l’avait imaginé. On est donc là dans un réel roman d’apprentissage, avec une héroïne dont la naïveté peut paraître simpliste, mais qui donne de multiples occasions à l’auteur de dessiller les yeux d’Anna sur les vices et les vertus des femmes. L’auteur nous invite à considérer Anna avec sympathie, car ses buts sont nobles et son âme est belle. Mais cela ne l’empêche pas de taquiner son héroïne autant que les autres personnages, car rien ne lui sera épargnée avant de connaître, enfin, son destin.
Ce que j’en fais :
Pour une première découverte de l’oeuvre d’Elizabeth von Arnim, ce roman fut un régal ! Une héroïne attachante, à la fois d’une grande naïveté due à sa jeunesse et son inexpérience, et néanmoins d’un tempérament très volontaire, une histoire originale et surtout, une langue parfaite servie par un humour ravageur, qui, j’ose le dire, n’a pas manqué de me rappeler Jane Austen, notamment lorsqu’il s’agit des manigances des dames hébergées par Anna. La fin semble malheureusement un peu précipitée et j’ai trouvé une remarque très juste sur Goodreads à ce sujet : « elle – l’auteur – semble subitement perdre tout intérêt pour son histoire et se contente de la terminer »… C’est malgré cela un coup de cœur et donc une nouvelle auteure qui rejoint immédiatement ma PAL : ses romans les plus connus sont Avril enchanté et Elizabeth et son jardin allemand.
Je remercie vivement Babelio et Archipoche pour la belle découverte de ce livre dans le cadre de Masse Critique. Elizabeth von Arnim étant une romancière d’origine anglaise dans la pure lignée des femmes écrivains britanniques, elle méritait d’être lue pendant le Mois anglais ! Ce roman signe aussi la réouverture du challenge victorien d’Aymeline prolongé pour 2013 !
Pas de commentaires
J’attendais ton billet pour savoir quoi penser de cet auteur, que je ne connaissais que de nom. Tu m’as convaincue !
J’espère que ça te plaira, je l’ai littéralement dévoré !!
J’ai beaucoup aimé ce que j’ai lu de l’auteur à date! Elle entre dans le victorien? Je pense que j’ai trouvé ce que je vais lire pour juillet alors. Ce roman e VO est par contre super difficile à trouver chez moi.
ça ne m’étonne pas, c’est une réédition récente, il était introuvable en français avant…
[…] La bienfaitrice d’Elizabeth Von Arnim chez Eliza […]
Le premier que j’ai lu d’Elizabeth Von Arnim est justement « Avril enchanté » et j’ai été véritablement enchantée ! Je te conseille aussi « Vera » dont l’intrigue est très proche de « Rebecca ». J’ai hâte de découvrir celui-ci.
Oui, j’avais noté ces deux titres, malheureusement, je préfère acheter mes livres et « Avril enchanté » n’est plus disponible chez 10-18…!
Si il l’est ! http://livre.fnac.com/a3399053/Elizabeth-Von-Arnim-Avril-enchante
Il y a quelques mois je ne le trouvais pas non plus et je l’avais acheté d’occasion.
super, merci Mélo ! Il a été relooké je vois 🙂
Très beau billet Eliza!
Je n’ai qu’une hâte maintenant: me précipiter en librairie pour me procurer au plus vite ce roman! J’ai déjà avril enchanté dans ma PAL mais tu me donnes très envie de commencer ma découverte de son œuvre avec la Bienfaitrice.
Tant mieux, tant mieux, il faut lire ce petit délice !!
Il a l’air bien intéressant celui-ci. Je note! Merci pour la découverte et bonne soirée Eliza. 😉
De rien Fanny, j’espère que ça te plaira !
Je ne connaissais pas du tout cette auteure mais je suis plus que convaincue Eliza, je note de suite 🙂
J’avais entendu parler d’Elizabeth von Arnim mais sans du tout savoir à quoi m’attendre… je n’ai pas été déçue 🙂
Une bonne pioche chez Babelio, donc.
Oui, Babelio est une mine d’or !
J’ai acheté ce roman il y a quelques jours et ton billet me donne encore plus envie de le lire ! J’aime ce genre d’héroïnes qui vont à contre-courant des mentalités de leur époque.
Et puis, j’aime beaucoup Jane Austen et je commence à découvrir Vita Sackville-West alors cela ne peut que me plaire ! 😉
J’attends ton avis alors, j’espère que ce sera une bonne lecture ! Je n’ai pas pu m’empêcher de faire ce parallèle avec deux auteurs que j’aime énormément parce que j’y ai vraiment retrouvé cette ironie fine et élégante…
Quel enthousiasme ! Il va falloir que je découvre cet auteur !!! 😀
Croirait-on vraiment qu’il s’agit d’une victorienne avec cette modernité ?!
Merci pour cette découverte 🙂 Et hop je le rajoute à ma wish-list 🙂
De rien, bonne lecture !
La couverture ne m’inspirait pas, je croyais en fait que c’était un roman contemporain parlant du 19e siècle, mais ton avis a bien corrigé mon opinion, et comment pourrais-je dire non au chaînon manquant entre Austen et Sackville-West ?
Je t’avoue que je ne savais pas du tout à quoi m’attendre donc le ravissement a été complet. Ah oui, le « chaînon manquant », je trouvais l’occasion trop belle pour m’en passer, j’espère que quelqu’un d’autre confirmera cet avis 😀
Je n’ai pas lu Elizabeth von Arnim depuis longtemps, mais ce billet sur un livre que je ne connaissais pas du tout me donne très envie de la relire.
Je pense qu’il était quasiment introuvable, mais Archipoche a eu là une bonne idée 😀
J’ai justement terminé Avril enchanté la semaine dernière, je ne peux que me précipiter sur celui-ci. Merci pour ton beau billet.
[…] Avril enchanté, Elizabeth von Arnim : c’est l’oeuvre la plus connue de cette auteur, découverte récemment avec La Bienfaitrice. […]
[…] Von Arnim acheté suite à ma lecture de Avril enchanté et grâce notamment au billet de Eliza. Du coup dans la foulée je me suis procuré Vera. Au Bonheur des Ogres de Daniel Pennac, parce que […]
Lu et beaucoup aimé aussi, surtout qu’il me semble que c’est la première édition en français. Du même auteur, je te conseille aussi Love, Vera (sombre mais très beau) et son plus célèbre, Avril enchanté. Son essai sur ses chiens intitulé Tous les chiens de ma vie est assez savoureux aussi 🙂
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