Présentation :
« Emily Brontë possède donc le plus singulier des pouvoirs : celui de sa dépendance à l’égard des faits. Avec quelques touches, elle sait évoquer l’âme d’un visage et rendre le corps superflu ; en parlant de la lande, elle fait souffler le vent et gronder le tonnerre. »
Virginia Woolf.
« Quand, parmi tous les arbres, je cherche celui dont la forme s’harmonise le mieux avec le cadre du roman tragique d’Emily Brontë, c’est l’image d’un vieux robinier tordu par le vent qui souffle toujours dans la même direction ; l’écorce est noire, le tronc est creux et, dans ce creux, la pluie a formé une petite flaque où baignent quelques feuilles mortes. »
John Cowper Powys.
Ce que j’en dis :
La construction du roman est faite de récits imbriqués les uns dans les autres comme des poupées russes et le premier d’entre eux, celui du narrateur Mr Lockwood, arrivant à la nuit tombée dans le manoir des Earnshaw, n’est pas le moins mystérieux : il y trouve quatre personnes, dont le maître de maison Heathcliff, deux jeunes gens et un vieux domestique, dont les relations faites d’invectives et d’indifférence lui échappent totalement en même temps qu’elles aiguisent sa curiosité (et la nôtre !), et entend un fantôme ! De retour chez lui, il demande à la gouvernante, Nelly Dean, de lui raconter l’histoire de cette famille.
Catherine et Hindley Earnshaw vivaient dans une lande désolée du Yorkshire lorsque leur père, revenant un soir de la Ville, ramèna avec lui un jeune garçon sauvage, Heathcliff, qu’il décida de recueillir chez lui. Malgré la difficulté d’Heathcliff à s’habituer à ce nouveau monde et les réticences qu’il mit à son éducation, Catherine et lui devinrent vite inséparables. Mais à la mort de Mr Earnshaw, Hindley reprit la maison et se montra très dur envers Heathcliff, qu’il n’avait jamais accepté ni comme frère ni comme ami. Tant que Catherine restait proche de lui, Heathcliff supporta sans se plaindre ces dégradations. Mais un jour qu’ils couraient dans la lande, Catherine, s’étant tordue la cheville, fut recueillie par les Linton, d’une maison voisine. Elle fit la connaissance de leurs deux enfants, Edgar et Isabelle, et séjourna là-bas quelques semaines. Quand elle revint, c’est une jeune fille aux cheveux bouclés et aux bonnes manières que découvrit Heathcliff, en laquelle il ne reconnut plus son compagnon de jeu turbulente et fantasque. Leur condition sociale les éloigna irrémédiablement l’un de l’autre. La situation se compliqua encore lorsqu’Heathcliff comprit qu’un lien s’était tissé entre Catherine et Edgar. Le mariage fut annoncé. La rupture entre Catherine et Heathcliff, viscéralement attachés l’un à l’autre, ne sera jamais complète. Mais la vengeance d’Heathcliff sera terrible.
L’histoire se poursuit sur deux générations, puisque la vengeance d’Heatchliff s’exerce aussi sur les enfants Linton et Earnshaw, même après la mort de leurs parents. Pendant des années et des années, Heathcliff s’acharne à détruire la famille de Catherine, tout en prenant une revanche complète sur Hindley, dont il devient le débiteur puis le propriétaire, et le tuteur de son fils. Au-delà d’une histoire de vengeance si noire soit-elle, l’auteur nous entraîne souvent dans les méandres de l’esprit lorsqu’il flirte avec la folie. Catherine, la première dans l’histoire, montre des signes de faiblesse. Elle est capricieuse, sujette à de fréquentes crises de larmes et de colères. Ses parents puis son mari la ménagent, notamment en cherchant à éloigner Heathcliff. De son côté Heathcliff montre un caractère cruel et mauvais, qui prend définitivement le dessus lorsqu’il est séparé de Catherine. Alors, une sorte de perversité s’empare de lui, il lui faudra souiller tout ce que Catherine avait de cher, tout en conservant pour elle, pour son souvenir, un respect plein d’effroi. Est-ce pour se libérer de cette passion violente et désespérée qu’il agit ainsi ?
Ce que j’en fais :
Je pensais avoir déjà lu ce livre, je pensais connaître l’histoire de cet amour impossible entre Catherine et Heathcliff, mais il n’en était rien. J’étais bien loin du compte. La violence de ce roman, les relations tempétueuses entre les différents personnages, renforcés par la lande désertique qui les entoure, et surtout le caractère incroyablement complexe (est-il fou ? pervers ? acculé à la vengeance par une passion sauvage ?) d’Heathcliff, m’ont rendu ce récit dur à lire, inconfortable et en même temps envoûtant. Je voulais m’arrêter, épuisée par le désespoir, par cette cruauté qui sans cesse s’acharne et triomphe, sans répit et sans gloire, dans les petitesses du quotidien, mais je ne le pus pas, tétanisée par le sombre imaginaire d’une jeune femme de trente ans… Un roman noir et puissant, à découvrir absolument.
Ce fut une lecture commune avec Martine, de Plaisirs à cultiver, dans le cadre du challenge victorien d’Arieste.
15 commentaires
Ton avis me donne envie de poursuivre ma lecture de ce roman, mais je n’arrive pas à m’y résoudre. Le style ne m’a pas plu, l’histoire … Je ne sais pas tellement quoi en faire. Les personnages sont loin d’être attachants. Je pense que je m’attendais à autre chose, à quelque chose de très différent à dire vrai. Je n’avais que de vagues connaissances sur ce roman et l’histoire m’était globalement inconnue.
Bref, très bel article, joliment écrit, mais je crois que ce roman n’est pas pour moi. Pas encore.
Je suis d’accord : les personnages ne sont pas du tout attachants !! encore que j’aie beaucoup aimé Edgar Linton 🙂 Accroche-toi, cela en vaut la peine, un rayon de soleil inattendu perce dans les dernières pages…
Nos avis se rejoignent quant à l’incroyable violence de ce roman, les sentiments y sont d’une noirceur terrible. Je suis ravie d’avoir redécouvert avec toi ce grand roman de la littérature anglaise, fascinant et d’une puissance rare.
D’autant plus violent que je ne m’attendais pas à ce que ce soit à ce point-là !! Merci de m’avoir entraînée, j’ai bien envie de continuer ma découverte des soeurs Brontë du coup 😉
Oui, ambiance très sombre, vengeance un peu trop poussée de la part de Heatcliff puisqu’il s’en prend à la fille la femme qu’il a aimé. Heureusement que la fin est un pied de nez à cette méchanceté et à cette bassesse.
Tiens, il faudrait que je le relise….
Un roman puissant, tout à fait d’accord avec toi ! Je pense même le relire un de ces quatre matins… 🙂 Bon lundi !
C’est bien loin de l’image romantique véhiculée par le cinéma, n’est ce pas ? Tu me donnes envie de la relire.
J’ai tellement vibré avec ce roman, quand j’étais ado… toute cette noirceur. Je ne veux même pas le relire maintenant, j’ai peur de moins aimer!
Bonjour,
je viens de découvrir votre blog, que je trouve très intéressant et bien fait. ça me donne envie de lire ce livre, je vous conseille par ailleurs la lecture de Daphne du Maurier, par exemple, l’auberge de la Jamaïque si vous aimez les landes anglaises.
[…] Les Hauts de Hurle-Vent, Emily Brontë […]
[…] Brontë Emily, (Les Hauts de) Hurlevent […]
Bonjour,
Je me permets juste de vous envoyer un petit message pour vous dire que j’aime beaucoup votre blog (c’est l’un de mes préférés et je lis vos avis et commentaires avec plaisir!) ! Je n’ai pas de blog de mon côté mais je vous suis via facebook et ici! Je partage vos goûts pour les soeur Brontë, Edith Wharton, Virginia Woolf, Donwton abbey et tant d’autres !
Il me tarde de lire votre prochain avis sur un roman, en attendant je vous souhaite une bonne continuation et je vous félicite pour ce joli blog !
Fanny
[…] Belette – Valou – Julie G – Eliza […]
[…] sombre qui t’as laissé une forte impression même après l’avoir terminé… Sans hésiter Les Hauts de Hurlevent. Ce roman m’a hanté quelques jours et j’en ai gardé un sentiment de profond malaise : […]