Présentation :
Le secret. La mort. Ce sont sans doute les deux clés de toute l’œuvre de Henry James. En ce sens, Les Papiers de Jeffrey Aspern est peut-être le plus exemplaire de ses romans. Dans un palazzo de Venise à moitié en ruine, la vieille miss Bordereau n’en finit pas de mourir. Elle a été, dans sa jeunesse, le grand amour de Jeffrey Aspern, célèbre poète anglais, et la rumeur veut qu’il lui ait légué de nombreux manuscrits inédits. Le narrateur, qui écrit un livre sur Aspern, est prêt à tout pour les acquérir. Prêt à tous les mensonges, toutes les bassesses, toutes les ruses, y compris tenter de séduire la malheureuse nièce de la vieille dame. Mais il n’a pas mesuré la force de celle qui, au fil des pages, devient peu à peu le plus redoutable des adversaires.
On a souvent considéré ce livre envoûtant comme l’un des ancêtres du roman « à suspense », où le secret à préserver est aussi d’ordre mental. Tout l’amour, toute la vie d’un être se jouent en quelques instants dans le silence. Et puis le silence se brise et, avec lui, la vie de celui qui le gardait.
Ce que j’en dis :
Un journaliste américain, passionné par les oeuvres et la vie du poète Jeffrey Aspern, retrouve la trace d’une ancienne maîtresse et muse du poète. Miss Bordereau est désormais une vieille femme, recluse dans un palais vénitien en ruines, mais le narrateur est persuadé qu’elle possède une correspondance qui serait un témoignage inestimable du poète disparu. Prêt à tout pour se procurer ces papiers, il tente sous un faux nom d’approcher la vieille dame et sa nièce, Miss Tina, parvient à devenir leur locataire, puis à les amadouer. Du moins le croit-il, car il a en face de lui une intelligence féroce et une volonté de fer : à l’heure de sa mort, Miss Bordereau a la main qui se crispe sur ses trésors. Une partie à trois s’engage, dont l’issue sera fatale pour chacun.
A la manière d’un redoutable page-turner, Henry James tisse ici une toile très serrée autour de trois personnages, mais seules les pensées du narrateur nous sont connues. Nous sommes donc contraints de supposer ce qui se passe dans la tête de Miss Bordereau et de sa nièce, mais les hypothèses une fois échafaudées, James se plait à nous emmener dans une autre direction. D’un autre côté, de plus en plus obsédé par ces papiers, le narrateur ne se rend pas compte des conséquences de ses actes, alors que nous entrevoyons déjà ce qui arrivera, notamment dans les relations complexes qu’il noue avec Miss Tina. Le brouillard de Venise, le dédale des ruelle et des canaux, la froideur des pièces vides et des murs délavés, et surtout le silence de mort qui entourent ces deux femmes, renforcent une atmosphère étouffante. Seul le jardin, que le narrateur a promis de faire revivre, apporte une note de fraîcheur et de couleur dans le roman.
Ce que j’en fais :
C’est la très belle peinture choisie pour cette couverture qui m’a attirée dans ce roman (et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que c’était un tableau de Sargent, dont j’ai déjà parlé ici !). Je continue donc ma découverte d’Henry James, auteur que j’admire mais que j’aborde toujours avec appréhension : pour une raison que je ne m’explique pas, je suis incapable de lire Portrait de femme, commencé vainement à plusieurs reprises. J’ai donc toujours un peu peur de tomber sur un texte dans lequel je ne rentrerais pas. Mais celui-ci fut un délice de bout en bout et le fait que l’action se passe à Venise est pour beaucoup dans le charme brumeux que dégage ce roman.
Encore une nouvelle participation au challenge victorien d’Arieste !
Ils en parlent aussi :
- Lilly : « La psychologie de ces trois individus est parfaitement exposée, et constitue le noyau central du roman. »
- et sur Babelio
15 commentaires
Il est plus que tentant ! Je ne le connaissais pas, mais j’ai envie de le découvrir très vite ! D’autant que je n’ai jamais lu Henry James. J’ai aussi Portrait de femme qui traîne dans ma PAL (en VO en plus !)
Moi non plus, je ne le connaissais pas, je suis tombée dessus par hasard en librairie 😉 Portrait de femme en VO ?? Bon courage, je n’ose même pas y penser !!
J’ai adoré ce roman, je compte le relire d’ailleurs… un jour !
Je comprends, j’ai vraiment passé un très bon moment… Mais a-t-on vraiment le temps de relire ? 😉
j’aime beaucoup henry james mais comme toi je le redoute aussi un peu, il n’est pas toujours facile à lire ! je note celui-ci en tout cas 🙂
Celui-ci est parfait, je n’ai eu aucun problème et l’ambiance m’a vraiment envoûtée !
Les Papiers d’Aspern est un des récits de James que je préfère. Henry James intimide souvent, pour ce qu’on sait de ses derniers romans, longs, exigeants, expérimentaux et jusqu’à récemment assez lourdement traduits (on trouve une traduction superbe des « Ambassadeurs » aux éditions Le bruit du temps, mais le livre reste très difficile à lire). Il y a cependant tout autre chose aussi dans l’œuvre d’Henry James: « Confiance », « Washington Square », « Les Européens », et « Portrait de femme », que je ne saurais trop t’inviter à lire enfin, sont d’un abord facile. Et puis il y a les nouvelles!
J’ai pourtant réussi à lire et beaucoup aimé Les Bostoniennes et L’Américain, qui ne sont pas parmi les plus connus. Mais je note les autres que tu cites, merci 😀
Comme toi, j’ai commencé plusieurs fois Portrait de femme sans jamais parvenir à le poursuivre. Mais tu m’as donné très envie avec ce titre. Je le note donc.
J’espère que ça te plaira, et en plus, c’est assez court !
J’avais beaucoup aimé « Le tour d’écrou » de cet auteur. Je note ce titre, à l’occasion.
Justement je garde aussi un mauvais souvenir du Tour d’écrou, mais je vais essayer de le relire !
J’avais un peu la même appréhension que toi mais tu me donnes envie de le sortir de ma PAL!
Je te le recommande chaudement 🙂
Une illustration réalisée pour ce livre, qui est excellent! https://www.flickr.com/photos/furaliko/14667375958/