Présentation :
Augustus Melmotte est un financier véreux. De ces capitalistes à la morale douteuse qui lancent de vastes opérations spéculatives pour piéger les investisseurs naïfs. A ses côtés jeunes gens de bonne famille désargentés et voleurs, romancières sans talent, politiciens malhonnêtes et journalistes menteurs pour qui la triche est une seconde peau. Car dans le Londres victorien, on trompe, séduit et arnaque comme on respire, on s’adonne à la satire et cela prend des airs furieusement contemporains.
Anthony Trollope est l’un des romanciers britanniques les plus célèbres et les plus prolifiques de l’époque victorienne. Il a laissé une œuvre considérable de près de soixante nouvelles et romans. Quelle époque ! est considéré comme son chef-d’œuvre par un grand nombre de critiques.
Ce que j’en dis :
Le roman s’ouvre sur trois lettres cajoleuses écrites par Lady Carbury aux rédacteurs en chef des journaux les plus en vue de Londres pour demander un bon accueil à son roman, implorant l’indulgence de l’un, flirtant avec l’autre…. Dès le départ, Trollope place ainsi cette grande saga victorienne sous le signe des tromperies et des manipulations. Si Lady Carbury en est réduite à écrire des romans et à convoiter avidement une carrière de femme de lettres, c’est qu’elle est ruinée par la conduite insouciante de son fils, Sir Felix. Ce dernier passe ses journées à s’endetter aux cartes dans un club londonien sans prestige avec quelques autres jeunes hommes. Pour lui, seul un mariage avec une héritière pourra lui assurer le train de vie dont il a besoin pour subsister. Cette héritière pourrait bien être Miss Marie Melmotte, la fille du grand financier Augustus Melmotte, nouveau génie de la City. Melmotte n’a ni titre ni distinction, mais assez d’argent pour s’acheter des duchesses à ses bals et faire des scandales aux secrétaires d’Etat. Grâce à sa fortune, toutes les portes lui sont ouvertes… Sur cette intrigue principale se greffent d’autres couples, Hetta Carbury déchirée entre son cousin plus âgé, Roger Carbury, et Paul Montague, jeune homme à l’allure bien plus engageante, mais lui-même pris aux griffes d’une « tigresse » américaine venue exiger de lui le respect d’une ancienne promesse de mariage. On trouvera aussi Lord Grendall et son fils, devenus laquais de Melmotte pour grappiller quelques sous de sa fortune, le jeune Dolly Longestaffe, que la seule pensée d’écrire une lettre fatigue et sa sœur, qui se débat pour obtenir une certaine indépendance, ou encore la jeune Ruby Rugles, petite paysanne qui se pâme devant son amoureux londonien au détriment de l’honnête fermier qu’elle doit épouser. Une galerie de personnages haute en couleurs que l’auteur entrecroise avec une maîtrise et une facilité déconcertante, ajoutant à tout cela la « grande affaire » de Melmotte, la Société de Chemin de Fer du Pacifique Centre et Sud et du Mexique, dont on ne voit durant tout le roman pas le premier mètre de rails.
Dans ce tumulte, certains personnages révèlent avec surprise un caractère plus ferme que ce qu’on croyait quand d’autres ne se relèvent jamais alors qu’on l’espérait toujours. Le titre original du roman « The Way We Live Now » montre bien le parti pris de Trollope qui sous-tend tout le roman : « cette » époque a perverti la bonne vieille Angleterre. L’argent achète tout, les bonnes manières n’y sont plus respectées et la noblesse n’a plus le panache de l’ancienne époque. Si Trollope ne peut empêcher le monde d’avancer et les idées d’évoluer, il ne se retient pas de donner son avis à travers deux personnages : Roger Carbury, effaré devant la conduite de Sir Felix et Mrs Pumpkin, la tante de Ruby. Un passage est à ce titre significatif :
Mrs Pimpkin se disait que les jeunes femmes d’aujourd’hui avaient, voulaient avoir et devaient avoir plus de liberté qu’on n’en accordait lorsqu’elle était jeune. Le monde changeait très rapidement. Mrs Pimpkin le savait aussi bien que d’autres. Et donc, lorsque Ruby allait au théâtre de temps à autre et qu’elle ne rentrait à la maison qu’à minuit passé, Mrs Pimpkin ne disait trop rien, car elle attribuait ce comportement insolite aux changements qui affectaient son pays. On ne l’avait pas autorisée à aler au théâtre avec un jeune homme, lorsqu’elle était jeune fille – mais ça, c’était du temps où la reine Victoria était jeune, quinze ans plus tôt, avant le nouveau code de conduite.
Ce livre pourrait s’intituler Grandeur et décadence d’Augustus Melmotte, tant il m’a fait penser à Balzac dans la description des affaires financières, des combines politiques, de ces caractères si forts (la mère se sacrifiant pour son fils, le journaliste jouant avec son pouvoir, l’héritier désargenté, la fille rebelle, etc.) et cette opposition permanente entre la campagne et la Ville… La différence réside cependant dans l’analyse psychologique beaucoup plus fine, parfois un peu longue, que fait Trollope des ressorts des actions de ses personnages.
Ce que j’en fais :
Si on ne retrouve pas dans ce roman la verve particulièrement piquante de Miss Mackenzie, on ne peut s’empêcher de sourire devant ce tableau décadent ! Je ne suis pas peu fière d’avoir lu cette saga en à peu près une semaine, et ce, malgré mon dégoût prononcé pour sa couverture (je pense d’ailleurs à le recouvrir avec une autre couverture 😉 ou à le cacher au fond de ma bibliothèque) et son nombre de pages (mais plus il y a de pages, plus un livre m’attire !). Malheureusement pour ma PAL, je me suis jetée dessus à peine sortie de la librairie…
Cette lecture rentre dans le cadre du challenge Anthony Trollope d’Urgonthe (c’est ma 2e lecture sur 5 prévues) et du challenge victorien d’Aymeline (3e lecture sur 9 prévues) !
Ils en parlent aussi :
- Keisha : « Un véritable tourbillon, qui foisonne de personnages, et dévoile sans prendre de gants les travers de son époque. »
- et sur Babelio
28 commentaires
bon il faut vraiment que je lise du Trollope ! j’ajoute ton livre au récap 😉 j’adore le nouveau design de ton blog ! Bonne soirée 😀
So british, la couverture, tout à fait dans l’air du temps en ce moment.
Justement, j’ai pas du tout aimé cette couverture !!!
Je ne sais plus si je l’ai acheté ( ma pal est comment dire, mal rangée !!!) mais j’ai miss Mckenzi… C’est un auteur qu’il me tarde de découvrir, surtout avec la référence àBalzac !!!
J’ai trouvé que Miss Mackenzie était un très bon roman pour découvrir Trollope. Mieux vaut savoir un peu à quoi s’attendre avant de commencer un plus gros pavé 😉
Je note Miss Mackenzie, je ne connais pas du tout Trollope et c’est vrai que la couverture est moche ! Enfin chacun ses goûts, disons que je n’aime pas non plus et elle ne cadre pas avec ce que tu dis du livre !!! 🙂
C’est vraiment un auteur à découvrir, c’est ma révélation de l’année 😉 Quant à la couverture, j’imagine que personne ne l’a lu, alors le brief devait être : « alors voilà, c’est anglais et il y a beaucoup de personnages… » 😀
C’est vrai que la couverture du poche est d’une laideur ! Sinon, oui, oui, c’est un livre foisonnant, tableau et dénonciation d’une époque, drôle et méchant à la fois. On pourrait aussi le comparer à Zola, en plus policé. 🙂
J’ai plus de mal à le comparer à Zola car j’ai une aversion profonde pour cet auteur… 😉
Encore un qui me tente, arghhhhhhhhh ! Mais j’attendrai peut-être qu’ils changent la couverture avant de l’acheter, ça me laisse un peu de marge ! 😉
Ouhla, tu peux attendre longtemps alors 😉 !!!
Je n’ai toujours pas lu Miss Mackenzie, que j’ai acheté il y a quelques semaines. Ma PAL prioritaire s’allonge de jour en jour, et je ne sais plus où donner de la tête !
Je suis bien d’accord avec toi concernant la couverture, que j’avais déjà repérée en librairie pour son incroyable laideur. 😉
Ah tu as mis en place une PAL prioritaire ?? Bon courage… 😉
Je n’ai pas encore pris le temps de m’attaquer à ce roman de Trollope. J’ai néanmoins le plaisir de l’avoir acheté chez Fayard et d’avoir une jolie couverture. 😉
🙁 je suis en mode *disette*, je n’ai le droit qu’à du poche ! Mais la collection littérature étrangère de Fayard est super élégante 😉
Je l’ai beaucoup aimé ce roman. Je me retrouve d’ailleurs beaucoup dans ton billet. Je lirai certainement Miss Mackenzie!
Je suis de ton avis, beurk beurk la couverture. Cela m’a empêché de l’acheter (et ma pile à lire m’en remercie =) )
J’ai acheté en fermant les yeux et je t’assure que je ne regrette pas du tout 😉 merci pour ton passage par ici !
Il me tente aussi maintenant ! Et j’ai Miss Mackenzie qui m’attend et s’impatiente, que faire ? 😮
Je te conseille de commencer par Miss Mackenzie, qui est une très bonne introduction à cet auteur !
Malheur ! Miss Mackenzie s’est volatilisée ! Elle n’est ni sur mon étagère victorienne, ni sur l’anglaise. Mais où est-elle partie se cacher cette coquine ? 😮
[…] avec un jeune homme. Mr Rosedale, riche homme d’affaires évoquant un peu la figure d’Augustus Melmotte (bien que 30 ans plus tard !), fait preuve de sensibilité mais ne cache pas son ambition. Il y a […]
S’il n’a pas la verve de Miss Mackenzie et qu’en plus c’est un pavé, je pense que je vais passer mon chemin… Ou attendre que ma PAL diminue, ce qui n’arrivera jamais!
Tu m’étonnes, tu as déjà tellement de choses à lire 😉
[…] Quelle époque ! […]
[…] grandes espérances, Miss Mackenzie, Quelle époque !, Middlemarch, Le secret de Lady […]
[…] son rapprochement avec le jeune Francis Gresham, fils de l’aristocratie du comté. Comme dans Quelle époque ! et Miss Mackenzie, Trollope allie l’humour et sa parfaite connaissance du cœur humain pour […]
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